Littérature et société
Hugo et la République, notes de lecture d’une conférence de Jean-Noël Jeanneney prononcée le 6 février 2002 à la Sorbonne.
Il faut redonner toute sa place à Victor Hugo politique, témoin, analyste, acteur, prophète de son siècle. On en connaît le ton unique : éloquence ample, souffle des formules binaires, ardeur des interpellations, regard acéré et intense. Il a siégé comme pair de France sous la Monarchie de Juillet, comme député sous la IIè République et comme député et sénateur sous la IIIè.
Il a été un homme engagé dans son époque, c’est une évidence mais surtout il reste d’une formidable modernité par les combats menés ou les idées défendues (pour la France, l’Europe et même le monde) Son « énergie civique » est encore à considérer au XXIè siècle.
Hugo est un ancien légitimiste qui célèbrait Charles X sous la Restauration et ancien pair promu par Louis-Philippe. Il deviendra ensuite fervent républicain.
Conquête de 1848 : suffrage universel masculin ( La France seul pays d’Europe occidentale à l’instituer ). Pour Hugo, c’est une façon de briser par le droit la violence civile. Relativisons cette avancée car les femmes, condamnés politiques, chômeurs sont exclus).
Hugo dit à l’Assemblée : « Le suffrage universel, en donnant un bulletin à ceux qui souffrent, leur ôte le fusil ; en leur donnant la puissance, il leur donne le calme. Tout ce qui grandit l’homme l’apaise » Il soulignera que tant que les femmes seront exclues du suffrage universel, celui-ci sera coupable d’inachèvement. Hugo est d’une certaine façon féministe (malgré ce que sa vie privée a de traditionnel...) en tout cas en politique : « Le XVIIIè siècle a proclamé le droit de l’homme, le XIXè siècle proclamera le droit des femmes ». Il en est de même pour l’éducation, nécessité pour une société avancée : « Ouvrir des écoles, c’est fermer des prisons » formule qui résume sa pensée (discours de 1850)
Il réclame donc l’instruction gratuite et obligatoire. Il réclame aussi la séparation de l’ Eglise et de l’Etat (qui n’interviendra qu’en 1905, 52 ans après qu’il l’eut préconisée ). Sur l’école, le débat qu’il initie ( à savoir le rejet d’un monopole scolaire de l’Etat) resurgira sous la IIIè Rép. entre Clemenceau et Jaurès. Il fera toute sa vie la promotion des droits de l’enfant (on se souvient des vers de « Mélancholia »).
LA PEINE DE MORT
Hugo déteste l’idée d’un pouvoir humain infligeant la peine définitive qui pour lui n’appartient qu’à Dieu. Il commence à parler de la peine de mort dès son 1er roman Han d’ Islande publié à l’âge de 21 ans. Pour lui la peine de mort, c’est un « meurtre judiciaire ». Hugo pense d’ailleurs que la société a toujours une part de responsabilité dans le crime. Il y a donc des responsabilités sociales du crime. Hugo met aussi en évidence le problème à son époque de la partialité des juges ( voir dans son œuvre, Claude Gueux, Jean Valjean... une justice intransigeante pour les pauvres et conciliante pour les criminels en col blanc).
La répartition des richesses
Responsabilité de la puissance publique : Pour Hugo les intérêts particuliers pèsent toujours trop lourds et il faut donc surveiller les riches. Voir le combat contre la pauvreté dans son oeuvre.
Hugo visionnaire
Il lance l’idée des « Etats-Unis d’Europe ». Il pense même à une monnaie unique « une monnaie continentale à double base métallique et fiduciaire, ayant pour seul appui le capital Europe tout entier et pour moteur l’activité libre de deux cents millions d’hommes, cette monnaie, une, remplacerait et résorberait outes les absurdités monétaires d’aujourd’hui ». Il voit aussi déjà le couple franco-allemand : « La France et l’ Allemagne sont essentiellement l’Europe. L’Allemagne est le coeur, la France est la tête ». Il faut faire front à l’Angleterre qui a trop « l’esprit de marchandise, l’esprit de marché ».
Dernier combat : l’amnistie des communards
Au début de la IIIème République : il n’a pourtant pas approuvé les débordements de la Commune de Paris.
Dernier discours au Sénat : 28 février 1879 où il insiste sur l’idée du pardon pour apaiser les guerres civiles. Il réclamera l’amnistie pour tous les communards.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire